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Cette idée, une fois entrée en lui, ne pouvait point s’effacer aisément, parce qu’il ne réfléchissait plus. Sa tête était perdue, et son trouble, augmenté par l’effort désespéré de sa course, atteignait au délire.

Il n’en fallait pas tant, du reste, comme nous l’avons vu, pour éveiller la jalousie d’Armand. Il était jaloux par nature, et si, depuis son mariage, ce sentiment avait fait trêve en lui, ce n’était pas confiance entière, inébranlable, dans la vertu de Robertine.

Armand y croyait, mais modérément. Robertine avait la tête au-dessus de lui. Il la voyait d’en bas et ne la comprenait point.

Il y avait une autre raison.

Armand, depuis son mariage, avait couru un danger grave. Sa liberté, peut-être sa vie avaient été sérieusement menacées, et sa jalousie, pour être sans motifs, ne pouvait parler haut que dans l’excès du loisir.

Sous l’empire, la faveur d’Armand avait été si rapide et si peu justifiée, il faut le dire, que les fidèles de la cour impériale en avaient eux-mêmes murmuré tout bas. À plus forte raison, les gens de la restauration devaient-ils regarder ce jeune homme, qu’ils avaient trouvé assis à la place d’un vétéran de l’administration, comme un prodige de favoritisme, et par une déduction rigoureuse, comme un séide de l’empereur.

Or, après les cent-jours, il s’était passé à