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quelque vieux manoir de Bretagne, fêté par le vent, ami de l’orage, et tournant gaiement sa girouette railleuse qui grince et nargue l’effort de l’ouragan.

Robertine et son mari étaient assis en face l’un de l’autre des deux côtés de la cheminée où brûlait un bon feu. Entre eux se dressait une petite table sur laquelle on voyait, alignées, des assiettes de dessert, dont le symétrique arrangement n’avait point été rompu encore. Comme il faisait bien froid, Robertine avait voulu diner dans sa bergère, à l’abri de son chaud paravent de velours.

Leur repas venait de s’achever en tête à tête. Ils étaient beaux tous deux et jeunes. Ils s’aimaient. On eût pensé trouver dans leur solitude partagée quelque reflet de cette félicité calme et reposante des premiers jours du ménage.

Il n’en était pas ainsi pourtant. Il y avait sur le front d’Armand un petit nuage de cet incurable ennui des gens oisifs et trop heureux. L’expression de son regard était affectueuse, mais distraite.

Robertine, elle, durant le diner, avait dépassé plus d’une fois les bornes de sa douce gaieté d’habitude. Elle s’était surprise, riant aux éclats, sans que l’entretien y prêtât beaucoup. D’autres fois, sans motif apparent, le rire s’était glacé tout à coup sur sa lèvre, tandis qu’une pâleur fugitive envahissait sa joue.