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jusqu’alors avait passé, vivant décor, parmi la foule curieuse des fêtes, sans être de la fête plus que sa harpe ou l’orchestre qui l’accompagnait ?

Elle était fière pourtant ; elle devait s’apercevoir que l’empressement dont elle était l’objet était un empressement à part, et que, entre elle et ce monde qui lui criait : Brava ! il y avait une barrière aussi infranchissable que la rampe séparant le comédien payé des spectateurs qui payent.

Ce refus irrita le baron. Son désir, avivé, prit les caractères de la passion. Il s’éloigna du monde et mit tous ses soins à fléchir la résolution de Robertine.

En même temps, il sentit naître en lui une jalousie vague et sans objet certain, mais qui grandissait vite et prenait chaque jour plus d’assise en son esprit. Quelle raison en effet assigner au refus de Robertine, sinon un autre amour ?

Peut-être, Armand le pensa une fois, parce qu’il savait déjà ce que le cœur de Robertine renfermait d’exquise noblesse ; peut-être avait-elle peur pour lui-même, et craignait-elle les suites d’un mariage si fort en dehors des idées communes ? La foule à de sanglants brocards pour ces unions qu’elle nomme excentriques. Épouser une virtuose ! n’est-ce pas d’abord se casser le cou et jouer en outre un jeu d’enfer au jeu chanceux du mariage ? On s’apitoie d’avance ; les amis du