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façon assez cavalière le siège de sa vertu, et fut éconduit avec froideur et dédain. C’était étrange : une artiste !…

Armand fut piqué. Il devint amoureux et changea de ton. Il changea si bien, qu’au bout de trois mois il fit à Robertine la demande formelle de sa main.

Il fut repoussé encore, mais non plus avec dédain, car Robertine, seule ici-bas et entourée d’un flot d’adorateurs dont les brillants hommages lui étaient une insulte, avait entendu avec joie l’expression d’un amour honnête. Et comme le baron était beau, brillant même, suivant l’acception frivole du mot, Robertine s’était prise à l’aimer.

Ceci était le difficile. Robertine était en tout supérieure à M. d’Osser. Son esprit fin, délicat, sincère, son cœur haut et noble n’avait aucune parenté avec l’esprit banal et le cœur bourgeois du jeune baron. Mais une fois l’amour venu, toutes distances morales s’effacent, Robertine eut un voile sur l’intelligence ; elle vit son amant au travers de la virginale et poétique tendresse ; elle le trouva bon, beau et admirable entre tous ; elle sut transformer, avec cette adresse de cœur des femmes qui aiment bien, chacun de ses défauts en qualités, chacune de ses faiblesses en héroïques séductions.

Car la femme, pour peu que son âme soit complice, a le don prodigieux de se mentir à elle-même en face de l’évidence, et sait trou