Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce point parce qu’elle parle ainsi que vous la croyez folle ?

— Pour cela et pour autre chose, ma bonne dame. Buvez une gorgée et soyez calme. Je mentirais si je disais que je partage votre avis par rapport à l’innocence du lieutenant, mais la question n’est pas là, il s’agit de Mlle Valentine. Elle nous a tous ensorcelés, et cela est si vrai que moi qui ai un emploi important dans la maison, voilà trois jours que je cours la prétentaine pour vous trouver sur un simple désir d’elle.

— Elle a donc parlé de moi ?

— Vingt fois plutôt qu’une, à tort et à travers : Maman Léo par-ci, maman Léo par-là ! si seulement je pouvais voir maman Léo !…

— Mais ce n’est pas d’une folle cela ! fit la veuve.

— Vous trouvez ? Moi, je suis l’aide du docteur Samuel, et vous ne m’en voudrez pas si j’ai plus de confiance en lui qu’en vous dans les questions de médecine aliéniste. Nous sommes une spécialité, ma bonne dame, nous avons un des plus beaux établissements de Paris, et, voyez-vous, les fous, ça nous connaît. Quand on pense que la malheureuse enfant a pris en horreur le colonel, son meilleur ami, presque son père, et par-dessus le marché l’homme le plus respectable de l’univers ! Quand on pense qu’elle le confond avec un malfaiteur, dans son délire, et qu’il lui fait peur… lui, le saint des saints !… Qu’avez-vous donc ?

La veuve venait de faire un brusque mouvement.

Son regard s’était porté par hasard vers