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au lieutenant… Mais suivons le fil : Hans Spiegel est égorgé comme un bœuf, toute la maison se réveille à ses cris, on sort ou l’on se met aux croisées, et les gens peuvent voir le lieutenant sortir par la fenêtre même de la victime, voyager le long du treillage, passer dans un arbre comme un écureuil (entre parenthèses, vous savez, maman, s’il était fort en gymnastique !), puis entrer, par la fenêtre encore, à l’hôtel d’Ornans, où il est finalement arrêté… Pensez-vous que M. Champein a là une jolie affaire pour ses débuts ?

La tête de la veuve s’inclina sur sa poitrine ; elle semblait n’avoir plus de sang dans les veines.

— Et si on le laisse faire, ajouta M. Constant, qui changea de ton, croyez-vous qu’il aura beaucoup de peine à emballer son jeune homme ?

Mme Samayoux releva les yeux sur lui et répéta, pensant l’avoir mal entendu :

— Si on le laisse faire ?

— Farceuse ! répliqua l’officier de santé d’un ton jovial, vous devinez pourtant bien pourquoi je suis venu. Voyons, c’est certain, n’est-ce pas, que vous n’iriez pas mettre votre main au feu de l’innocence du lieutenant Pagès ?

— Vous vous trompez, repartit vivement Mme Samayoux, qui se redressa soudain et dont les yeux brillèrent, j’en mettrais ma main au feu, et tout mon corps, et tout mon cœur !

— C’est drôle, fit M. Constant, on croirait entendre la petite demoiselle !

— Parle-t-elle ainsi ! s’écria la veuve avec élan ! Ah ! la chère créature ! j’ai donc bien raison de l’aimer ! Et ne serait-