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— C’est vrai que vous avez l’air bonne personne, dit-elle, et si vous êtes venu chez moi, ce n’est bien sûr pas pour me faire du chagrin, mais vous me parlez comme si je savais quelque chose et je ne sais rien de rien.

— Pas possible ! s’écria M. Constant ; la foire des Loges n’est pas le bout du monde, et les journaux ont assez radoté là-dessus !

— Aujourd’hui même, répliqua la dompteuse, aujourd’hui seulement j’ai appris ce que les journaux ont pu dire. Ce serait trop long de vous expliquer pourquoi je restais dans l’ignorance. J’avais beaucoup d’ouvrage, et puis peut-être que je ne regardais pas autour de moi de peur de voir, car c’est bien certain que, depuis des semaines, je ne me suis jamais levée sans avoir un poids sur le cœur. On dit qu’il y a des pressentiments. Mais ce qu’on m’a rapporté tout à l’heure, c’est l’histoire du meurtre dans la chambre garnie de la rue d’Anjou ; tout ce qui a suivi, je l’ignore, et si c’est un effet de votre bonté, je voudrais bien le savoir.

— Comment donc ! fit l’officier de santé, mais c’est tout simple, ça ! Figurez-vous que je vous aime déjà tout plein, maman Léo ; je suis entré ici croyant avoir affaire à un gros hérisson de casseuse de cailloux, et vous êtes douce comme un petit agneau. Nous allons donc commencer par le commencement. Attention ! vous avez beau avoir de la peine, ça va vous amuser : d’abord il n’y a pas eu de meurtre rue d’Anjou…