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quand Triboulet et sa femelle se ruinent en frais de lazzi et de cabrioles.

Mais le fou du prince avait quelque chose de terrible en ses gaietés, et nous ne pouvons plus le voir qu’à travers la terrible ironie de Victor Hugo. C’était un esclave qui riait aux larmes et dont les larmes étaient rouges.

Les fous du peuple sont libres, plus que vous et plus que moi, libres au milieu de nos contraintes comme les sauvages de la forêt américaine, libres au milieu de nos décences hypocrites et de nos puériles convenances, comme les oiseaux effrontés du ciel.

Ils n’ont point de gêne pour gâter leur pauvre plaisir, et quand ils rient c’est à gorge déployée. Ils n’ont point d’étiquette, quoiqu’ils aient beaucoup de fierté ; leur orgueil, naïf entre tous les orgueils, se contente d’un mot et d’une apparence ; ils sont artistes, puisqu’ils se croient artistes, et cela suffit pour transformer en joyeux carnaval les douze mois de leur perpétuel carême.

Ils vivent et meurent enfants, ces amuseurs naïfs, de la naïveté populaire. À cause de cela, Dieu, qui aime les enfants, met de la joie jusque dans leur misère.

La dompteuse s’était affaissée sur sa table de sapin dans une pose qui manquait un peu de noblesse ; elle tenait sa tête à deux mains et respirait fortement comme ceux qui veulent s’empêcher de pleurer.

Autour d’elle, saltimbanques et barbouilleurs restèrent un instant silencieux ; il y avait une nuance de respect dans l’immobilité qu’ils gardèrent.

Au bout d’une minute, cependant, M. Baruque fit un signe qui était un ordre, et