Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/393

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

compassion qui prennent les forts à l’aspect de la vieillesse retombant dans l’enfance.

Un domestique vint au coup de sonnette et s’approcha tout contre le lit pour écouter son maître, qui lui dit de sa voix la plus cassée :

— Faites ce qui vous a été ordonné, hâtez-vous et pas de bruit.

Alors ce fut quelque chose comme au théâtre, quand les valets entrent en scène pour aménager les accessoires d’un décor changé à vue.

Deux ou trois domestiques se joignirent au premier, qui avait la direction du travail. La table carrée qui se trouvait d’avance au milieu de la chambre fut couverte d’une nappe brodée sur laquelle on plaça des flambeaux, un crucifix soutenu par son piédestal et un missel sur son pupitre.

Plusieurs rangs de chaises furent alignés entre cette façon d’autel improvisé et la porte par où le Marchef était sorti.

Ces chaises se trouvaient sur le même plan que le lit du colonel, et ce dernier n’avait qu’à se lever sur son séant pour faire partie de l’assistance attendue.

De chaque côté de la table on alluma un grand cierge.

Nous ne saurions dire jusqu’à quel point ces apprêts, qui étaient ceux d’une noce, ressemblaient aux préparatifs qu’on fait pour des funérailles.

Cela d’autant mieux que les fiancés manquaient encore, tandis que le mourant était là.

Le colonel mit sa main presque diaphane au-devant de ses yeux et regarda toute cette mise en scène d’un air satisfait.