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pieds et rappelant en vérité la couche d’un anachorète.

C’était auprès de cette couche, lit funèbre d’un saint, que Mme la marquise d’Ornans était venue pleurer naguère. Le colonel y était étendu sur le dos, immobile, les bras en croix et cherchant son souffle qui déjà le fuyait.

C’est à peine si on apercevait sa face hâve et dont les tons terreux semblaient absorber la lumière, mais on distinguait très bien, agenouillée au chevet du lit, une jeune femme en déshabillé dont les riches épaules attiraient au contraire toutes les lueurs venant de la chambre voisine.

La jeune femme parlait d’un ton suppliant et baisait tendrement les mains du vieillard en disant :

— Je t’en prie, père, bon père, ne me force pas à te quitter ce soir. Tu sais bien que je n’aime pas le monde ; tu sais bien que j’y suis triste et comme dépaysée. Mme de Tresmes ne doit plus compter sur moi pour son dîner ni pour le bal, puisqu’elle sait que tu es souffrant et que je suis ta garde-malade.

— Entêtée ! fit le malade avec une colère d’enfant.

Il eut une petite quinte de toux creuse et débile, puis il répéta par trois fois :

— Entêtée, entêtée, entêtée !

De guerre lasse, Francesca voulut se lever, mais il la retint.

— Mademoiselle Fanchette, lui dit-il, je n’aime pas les mauvaises raisons, souvenez-vous de cela. Fi ! que c’est mal d’agiter son pauvre papa qui tousse en le contrariant sans cesse !