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Elle baisa Valentine au front et reprit :

— Maintenant, chérie, nous n’avons plus que le temps. Je pense que tu te marieras en noir, comme tu es là ? J’ai assisté dans ma jeunesse à un mariage clandestin, du temps des guerres de la Vendée ; le jeune homme avait son costume de cornette dans l’armée catholique et royale ; la jeune personne portait un simple fourreau de moire noire avec un voile de dentelle à l’espagnole. C’était très bien. De fleurs d’oranger, il n’en fut pas question. Du reste, tu sais que c’est tout uniment une affaire de conscience, comme la cérémonie de l’ondoiement qui précède un baptême forcément retardé ; cela ne vous empêchera pas de vous marier une seconde fois, selon les rites de l’Église, aussitôt que les événements le permettront, et vous en prendrez même l’engagement formel vis-à-vis de M. Hureau, notre bon vicaire, pour la paix de sa conscience… Es-tu prête ?

— Je suis prête, répondit Valentine, qui était pâle, mais résolue.

— Voici ce qui a été réglé, reprit la douairière : Je suis chargée d’aller prendre chez lui notre prêtre officiant ; tous nos amis nous attendront chez le pauvre colonel, et Dieu veuille que nous le retrouvions en vie ! Ne va pas croire que la chose se fera dans le désert ; nous aurons une suffisante assistance… Toi, selon la volonté que tu as manifestée, tu vas monter dans ma voiture (j’ai celle du colonel, où j’ai mis mes gens pourtant, car je n’aime pas à changer de cocher), et tu vas attendre cette brave Mme Samayoux rue Pavée, à la porte de la Force.

Valentine jeta un châle sur ses épaules et noua les rubans de son chapeau.