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rie du destin, toute la possibilité d’action que donne un secret fidèlement gardé.

La marquise, certes, ne pouvait deviner tout cela ; elle répéta, étonnée qu’elle était :

— Partir avant vous, ma fille ! et pourquoi ? Suis-je déjà de trop et ne pensez-vous point que j’aie le droit d’assister au moins à votre mariage ?

— Vous avez le droit d’être partout où nous sommes, répondit Valentine, comme la plus respectée, comme la mieux aimée des mères, mais pourquoi partager sans nécessité les hasards d’une évasion ? Maurice peut être poursuivi. Que je l’accompagne, moi, c’est mon devoir…

— Mon enfant, interrompit la marquise avec une certaine noblesse, tu étais trop jeune pour qu’il fût utile ou même convenable de t’initier à nos grands projets ; tu ne t’es jamais doutée de rien, parce que la première qualité d’une femme politique est de savoir garder un secret. Ce n’est pas d’aujourd’hui que j’apprendrais à braver le danger. Ma pauvre fillette, j’occupe un rang bien important parmi ceux qui hâtent de leurs vœux et de leurs efforts la restauration du malheureux fils de Louis XVI. Je ne te reproche point de n’avoir pas su deviner mon caractère aventureux ; j’ai accompli des missions difficiles et trompé bien souvent les plus fins limiers de l’usurpation ; ce que j’ai fait pour un roi, ne puis-je le faire encore pour toi qui es désormais toute ma famille ? Ne discutons plus, c’est une chose entendue, je pars avec vous, et qui sait ? si la police nous inquiète en route, l’habitude que j’ai de ces sortes d’intrigues ne vous sera peut-être pas tout à fait inutile.