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seule ici-bas… j’avais espéré que tu me laisserais partir avec toi…

Valentine se redressa, et ses yeux, tout à l’heure si mornes, eurent un rayon.

— Partez avant nous, ma mère ! dit-elle vivement, c’est une heureuse, c’est une chère idée que vous avez là ; partez, je vous en prie, nous irons vous rejoindre.

Mme d’Ornans demeura étonnée et presque offensée. Elle ne pouvait pas saisir le vrai sens de cette parole qui jaillissait du cœur même de la jeune fille.

Celle-ci, en effet, voulait tout uniment l’écarter de la bataille prochaine. Cette longue journée de solitude avait abattu la double fièvre de ses espoirs et de ses terreurs.

Elle voyait le danger tel qu’il était et se sentait emprisonnée dans un cercle infranchissable.

En elle l’espérance n’était pas morte tout à fait, parce qu’elle aimait ardemment et que ce n’est pas seulement au point de vue des tendres aspirations qu’il faut dire : Il n’y a point d’amour sans espoir.

L’amour, le grand amour des jeunes années, l’amour qui rêve l’éternité des dévouements et des ivresses, implique tous les espoirs.

L’amour produit la foi, et c’est sa force, comme le rayon apporte la chaleur en même temps que la lumière.

Valentine espérait donc encore, mais c’était en la bonté de Dieu, car à bien regarder l’aventure inouïe qu’elle allait tenter, il n’y avait point de chances favorables à attendre, sinon celles qui naissent en dehors des calculs de la prudence