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heur, si ma prière est exaucée et si tu es heureuse ; c’est chez lui, c’est auprès du pauvre lit où il souffre, où il se meurt, qu’on va dresser l’autel…

— Ah ! interrompit Valentine, dont les yeux étaient toujours baissés, c’est chez le colonel Bozzo que Maurice et moi nous allons être mariés !

Elle ajouta en réprimant un frisson et d’une voix si basse que la marquise eut peine à l’entendre :

— Chez lui ! moi !

— Il ne pense qu’à toi, reprit la bonne dame, tu es sa dernière préoccupation. Notre ami, le vicaire du Roule, me le disait encore tout à l’heure : c’est un saint, il ne tient plus à notre monde que par la miséricorde et l’amour !

— Un saint ! répéta Valentine, dont la voix était morne et sourde.

La marquise la regarda étonnée.

— Comme tu dis cela ! murmura-t-elle. C’est bien vrai que le bonheur et le malheur aussi nous rendent égoïstes. Tu ne songes qu’à toi-même.

La marquise se trompait.

Valentine songeait à ce brillant jeune homme dont elle avait habité la chambre à l’hôtel d’Ornans.

Elle songeait au fils unique de celle qui parlait, et qui donnait le nom de saint au Maître des Habits-Noirs.

Elle songeait au marquis Albert d’Ornans, heureux, riche, souriant à tous les plaisirs de la vie, qui était parti un jour pour son château de la Sologne et qui n’était jamais revenu.

Les paroles se pressaient au-dedans d’elle et voulaient monter vers ses lèvres ; mais dans la lutte mortelle qui était enga-