Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/372

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Constant, je n’oserais pas dire comme le colonel : « Drôle de fillette ! » mais il est sûr que vous ne ressemblez pas aux autres demoiselles. Enfin, n’importe ! on vous aime comme ça, et il n’y a pas jusqu’à ce dogue de Roblot qui ne vous lèche les mains comme un caniche. Voici mon ordonnance : plus de remèdes, levez-vous quand vous voudrez, mangez ce que vous voudrez, et quand vous aurez la clef des champs, souvenez-vous un petit peu d’un pauvre apprenti médecin qui s’est mis en quatre de tout son cœur pour vous être agréable.

C’étaient là de ces choses qui entretenaient vaguement l’espoir de Valentine. Les gens qui l’entouraient semblaient réellement ne point jouer au plus fin avec elle.

Mais, d’un autre côté, le danger, qui était sa vie même depuis quelque temps, avait développé en elle une finesse extraordinaire de perception intellectuelle.

Les chasseurs du désert voient et entendent, dit-on, à des distances incroyables ; on avait beau faire la nuit plus profonde autour de Valentine et pousser l’art de tromper jusqu’aux suprêmes limites de la perfection, elle devinait, laissant son va-tout sur table, et prête à choisir entre les mille probabilités contraires la chance unique que son courage, avec l’aide de Dieu, pouvait lui rendre profitable.

Vers trois heures de l’après-midi, Mme la marquise d’Ornans, émue et bien triste, vint lui dire qu’il était temps de se préparer.

La marquise la trouva habillée pour un voyage, bien plus que pour une noce, et demi-couchée sur son canapé, où elle songeait.