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comme au spectacle, et Similor pelait des pommes aux rougeaudes en disant :

— Ça fait pitié de voir les occasions tomber à celui qui n’est pas capable d’en profiter avec éclat. Si aussi bien on m’avait demandé la chose, au lieu de s’adresser au fabricant de croûtes et teinturier en guenilles, on aurait vu comment je sais charmer une assemblée par l’élocution de ma parole !

Échalot le regardait peler ses pommes et pensait :

— C’est à ces bagatelles qu’il enfouit ses ressources pécuniaires. Faut-il qu’il voltige sans cesse comme un papillon, et ce défaut-là lui coupe son sentiment paternel.

M. Baruque, cependant, n’était pas fâché d’être en lumière ; il gardait cet air impassible qui va si bien aux petits hommes grisonnants, pourvus d’une voix de basse-taille.

Similor, ici, était injuste comme tous les envieux. M. Baruque ne resta point au-dessous du rôle brillant qui lui était confié par sa bonne chance ; il raconta couramment et dans tous ses détails l’histoire du premier meurtre : le meurtre accompli au numéro 6 de la rue de l’Oratoire, aux Champs-Élysées.

Son récit n’aurait point satisfait nos lecteurs, qui connaissent d’avance l’envers de cette sanglante comédie, mais il était positivement exact au point de vue de ce que les journaux avaient porté à la connaissance du public.

Dans la science profonde de leurs combinaisons, les Habits-Noirs écrivaient l’histoire en même temps qu’ils la faisaient.