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c’est lourd à porter. La coquetterie que j’aurais, ce serait d’atteindre mes cent ans, et j’y touche. Pour prix d’une si longue vie, bien modeste à la vérité et bien paisible, mais qui n’est pas sans contenir quelques bonnes actions dont le souvenir embellit mes derniers jours, j’ai l’expérience et j’ai aussi la confiance de mes amis… Venez çà, chère madame, car il me fatigue d’élever la voix.

Maman Léo s’approcha et le colonel poursuivit avec une bonté croissante :

— Ce que nous voulions tous, c’était le salut de ce jeune homme, Maurice Pagès, puisqu’à son existence est attachée celle de Valentine, notre chère enfant. Il fallait le convertir à nos projets de fuite. Je connais si bien le cœur humain ! Nous aurions eu beau supplier notre bien-aimée fillette, elle se serait entêtée dans son refus, tandis que la pensée d’une escapade, d’une petite révolte, traversant cette pauvre chère cervelle ébranlée, a suffi pour la rendre complice de nos efforts. Nous n’avons eu qu’à fermer les yeux, elle s’est cachée de nous pour obtenir votre concours, et elle a travaillé pour nous, c’est-à-dire pour elle.

Maman Léo respirait comme si on l’eût soulagé du poids qui écrasait sa poitrine.

Ceci était manifestement la vérité, car tous les regards attendris confirmaient le dire du colonel, et la marquise elle-même murmura en essuyant une larme :

— Le bon ami a de l’esprit plein le cœur !

Désormais maman Léo était aux trois quarts trompée.

Il ne faut pas que le lecteur s’irrite contre la simplicité de cette vaillante femme,