Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/357

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cun soupçon apparent ; nul ne s’était aperçu de sa longue absence, excepté Victoire, la femme de chambre, qui était nécessairement complice.

C’était comme dans les contes de fées où les princesses ont des anneaux qui les rendent invisibles.

Maman Léo ne péchait pas par excès de défiance ni de prudence, elle appartenait à un monde où l’on entre volontiers dans le merveilleux, mais ceci dépassait tellement les bornes du vraisemblable que maman Léo se refusait à y croire.

Au salon, tout en rendant compte de sa mission, elle ne put retenir une parole trahissant le doute qui la tourmentait.

Elle se vit aussitôt entourée de sourires bienveillants et approbateurs.

On échangea des regards d’intelligence et le colonel secoua sa tête blêmie en murmurant :

Mme Samayoux n’est pas de celles qu’on peut tromper.

M. de Saint-Louis ajouta :

— Si Dieu mettait sur mon front la couronne de mes pères, sans écarter systématiquement la noblesse et la bourgeoisie, je m’entourerais de gens du peuple.

Le colonel eut sa toux qui faisait mal ; il avait terriblement baissé depuis la veille : quand il ouvrait la bouche, on était obligé de faire un grand silence pour saisir les mots qui venaient littéralement expirer sur ses lèvres.

Mais il avait gardé toute la sérénité de son regard.

— Ne vous inquiétez pas, bonne dame, dit-il en adressant à la veuve un geste d’amicale protection, nous ne jouerons pas à cache-cache avec vous. J’ai bien de l’âge et