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— Patronne… voulut dire Échalot.

— La paix ! il y a encore de l’eau-de-vie dans la bouteille qui est là-bas derrière les cordes, va me la chercher avec deux verres. C’est certain que si je n’étais pas arrivée, tu allais te laisser larder par ce polisson-là, et que mon argent serait maintenant à tous les diables.

Échalot courba la tête et s’en alla en murmurant :

— C’est vrai qu’ayant sur moi du bien qui ne m’appartenait pas, j’aurais dû montrer plus de férocité, mais la prochaine fois gare à lui !

Maman Léo se laissa tomber dans son fauteuil de paille et mit ses deux coudes sur la table.

En revenant avec la bouteille et les deux verres, Échalot la retrouva la tête entre ses mains et plongée dans de profondes réflexions.

— Est-ce qu’il est arrivé malheur, patronne ? demanda-t-il timidement.

— Verse à boire, répliqua la veuve, qui ne bougea pas.

Échalot emplit un des verres.

— Dans l’autre aussi, dit maman Léo ; je ne connais pas beaucoup d’âmes meilleures que la tienne, et tu peux maintenant trinquer avec moi, puisque je t’ai distingué par mon amitié.

— Ah ! patronne… fit Échalot étourdi par un si grand honneur.

— Tais-toi ! je te dis que je suis énervée.

Elle but une gorgée d’eau-de-vie et replaça son verre sur la table brusquement.

— Qu’est-ce que ça aurait fait s’il avait volé mon argent ? reprit-elle en regardant Échalot en face : à quoi mon argent peut-il