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tot en guenilles et de passer la redingote toute neuve d’Échalot qu’il avait sous la main.

Ainsi vêtu, la tête haute, et le sourire aux lèvres, il arriva disant :

— Je vas y ajouter le gilet et la culotte, si tu n’obéis pas incontinent à mes ordres !

— Tu peux me tuer, répliqua Échalot, qui n’essaya point de fuir et croisa ses bras sur sa poitrine, la faiblesse que j’ai eue pour ma redingote est une faute et j’en suis puni, mais quant à te livrer ce qui est à la patronne, raye ça de tes papiers. Avance, et viens percer le cœur de ton frère qui a été en même temps la mère de ton enfant !

On dit que le ridicule tue l’émotion ; ce n’est pas toujours vrai, car il y avait dans le calme de ce pauvre diable une véritable grandeur.

Et Similor, le coquin sans âme, s’irritait contre la défaillance qui lui faisait trembler la main.

Il avançait toujours, pourtant, car la fièvre de sa convoitise était de beaucoup la plus forte, et la pensée du tas d’or représenté par les billets de banque lui montait au cerveau comme un transport.

— Une fois, deux fois, dit-il, ça m’agace, l’idée de te tuer ; tu étais une bonne bête de somme : mais ne me laisse pas dire trois fois, ou je pique !

Quelque chose qui ressemblait à de la beauté vint à l’intrépide visage d’Échalot, tandis que le nom de Léocadie montait de son cœur à ses lèvres.

— Trois fois ! dit Similor en levant le bras.

Le sabre brandi jeta des étincelles.

Mais Similor, au lieu de frapper, recula