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soir-là ; c’est elle qui nous donna de quoi remplir la bouteille.

— J’eus toute une bonne soirée, continua Mme Samayoux, je pense bien que ce sera ma dernière bonne soirée. On bavarda. Ah ! si vous saviez comme il l’aime ! J’avais des pressentiments, c’est vrai, je lui dis : Petit, prends garde ! Mais il était fou de joie parce qu’il allait la revoir, et le nom de ce Remy d’Arx…

Elle s’arrêta comme effrayée.

— Quand il fut parti, reprit-elle, la maison me sembla vide. Ils devaient venir tous les deux le lendemain… et un autre encore, mais personne ne vint et j’en fus presque contente. Le jour d’après, je devais partir pour les Loges ; au lieu de retarder le déménagement, je le pressai : j’avais besoin de fuir ; il me semblait que, loin d’eux, je serais plus tranquille. J’avais peur, ah ! c’est bien vrai ce que je vous dis là, j’avais peur d’entendre parler d’eux, et pourtant je cherchais à me rappeler mes prières que je disais du temps où j’étais jeune fille au pays de Saint-Brieuc, et ce que j’en pouvais rattraper dans ma mémoire, je le récitais à mains jointes pour leur bonheur !…

Elle trempa ses lèvres dans le verre d’eau qu’on lui apportait.

— Voilà pourquoi je ne sais rien, mes pauvres enfants, acheva-t-elle, voilà comment j’ai besoin qu’on me dise tout. Ce qu’il y a de plus impossible au monde, voyez-vous, c’est que Maurice soit coupable.

Elle s’arrêta encore, parce qu’un mouvement d’incrédulité avait agité l’auditoire.