Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/335

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a le toupet de parler du petit et que, s’il avait les chiffons, il les avalerait littéralement en noces et festins de consommation personnelle, sans acheter un sou de lait à l’innocente créature !

Il fit le tour de la table, mais ce fut seulement pour avoir le temps de relever ses manches et achever de boutonner sa redingote jusqu’au menton.

Aussitôt après cette toilette préparatoire et rapide, il sauta galamment dans l’espace libre, où il prit position d’un air à la fois mélancolique et résolu.

— Censément, dit-il, ça m’agace un tantinet de m’aligner avec l’ami de mon adolescence, mais si je renaudais tu aurais des doutes sur mon honneur.

Ce n’est certes pas en souvenir de l’aîné des quatre fils Aymon que ce verbe renauder est devenu classique dans le langage des sans-gêne.

Quant au mot honneur, pris dans son sens chevaleresque, nous affirmons que, chez les sans-gêne, il est employé désormais plus sérieusement et plus fréquemment qu’en aucun autre monde.

Similor n’avait peut-être pas lu l’Iliade, et pourtant il répondit comme Ajax :

— À toi, à moi, racaille au tas ! ça ne va pas peser lourd !

Il s’était campé selon la garde élégante des professeurs de boxe et adresse françaises ; ses jambes, entretenues par la pratique de la danse des salons et qu’il avait vendues tant de fois aux peintres en qualité de modèle « pour le bas, » placèrent leurs pieds en équerre et eurent deux ou trois flexions élastiques avant que le corps s’assît carrément sur leur base élargie. En même temps, il se décoiffa d’un geste fan-