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banque dont tu as tes doublures toutes pleines ! Tu es un trahisseur et un mauvais frère, tu as fait un coup pour toi tout seul et tu complotes secrètement de gagner l’étranger en nous laissant, Saladin et moi, dans la misère !

— Je te jure… voulut commencer Échalot.

— Tais-toi ! pas de faux serments ! je les dédaigne. S’il n’y avait que moi, je te laisserais pour ce que tu es dans ta vilenie, mais je suis père, je songe à l’innocente créature que tu abandonnes et je ne fais ni une ni deux. Je te dis dans le blanc de l’œil : partageons, mais là, tout de suite sur le coin de la table, un chiffon d’un côté, un chiffon de l’autre, ou sans quoi, dans mon sentiment paternel, je vas prendre tout en faisant la fin de toi !


XXXV

Le combat


Échalot, dans la bonté de son cœur, aurait volontiers parlementé, car il avait une véritable affection pour le père de Saladin ; mais celui-ci n’était point en état d’écouter la raison et on le voyait bien.

Ce n’était plus le même homme ; son aspect vous eût fait peur : il avait le teint terreux des malades, il avait ce regard tout noir du taureau furieux qui laboure la terre avec ses cornes.

Le bouffon grotesque des bas-fonds parisiens tournait au tragique ; la fièvre d’argent le tenait, et la fièvre de sang.

Échalot pensa :

— Ça va être dur ! Quand on pense qu’il