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ridicules de la basse bohème, avait du moins une sorte de bravoure.

— Toi, dit-il, tu ne vaux pas cher, bonhomme. Si tu étais cuit, je mangerais bien tout de même une tranche de ton filet, car j’ai une faim de Patagon, mais je ne veux pas que tu me manges.

Tout en parlant, il s’était baissé, cherchant autour de lui un bout de bois qui pût lui servir d’arme.

Le lion approchait toujours, lourdement et selon toute apparence paisiblement, car l’instinct de tous les animaux est le même à l’heure de la souffrance : ils cherchent du secours.

La main de Similor venait de rencontrer un fragment du balancier ayant jadis servi à la danseuse de corde et qui formait une excellente massue.

— À la niche, dit-il, vieux Rodrigue ! allez coucher ou je tape !

Similor, qui se retournait en ce moment, vit les deux charbons tout auprès de lui et sentit le vent d’une haleine fétide.

— Crénom ! s’écria-t-il en reculant d’un pas, est-ce que M. Daniel aurait faim, lui aussi ?

Dans sa frayeur irréfléchie, il brandit le fragment de balancier, qui tournoya et vint tomber sur la tête du lion.

Le lion s’affaissa en poussant un rauquement plaintif, et les deux charbons ne brillèrent plus.

— Nom d’un nom ! fit Similor, la bourgeoise ne va pas être contente ; mais on n’aura pas besoin de lui raconter cette histoire-là en détail.

— C’est égal, ajouta-t-il en se redressant dans toute l’enfantine naïveté de son orgueil, on n’en trouverait pas beaucoup,