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— Pourquoi pas ? Que mon cou soit cassé ici ou là, peu importe. La loterie est une bêtise aussi, et pourtant il y en a qui gagnent à la loterie. Je vous regardais tout à l’heure ; vous devez avoir la veine… Seulement, je vais poser mes conditions : si je suis avec vous, vous n’irez pas à droite ou à gauche, selon votre volonté. Il y a un jeu tout fait, voulez-vous le prendre ?

Il parlait d’un ton bref et précis ; Valentine murmura :

— Je ne vous comprends pas.

— Je vais m’expliquer clairement : c’est demain que le colonel doit faire évader le lieutenant Maurice Pagès.

— Comment, demain ! s’écria Valentine. Déjà ! et Maurice, que je viens de voir, n’en sait rien !

— Dans tout cela, répondit le Marchef, Maurice est la cinquième roue d’un carrosse. Quand nous aimons une affaire, il n’y en a que pour nous… Et c’est demain aussi que Maurice et vous devrez être mariés.

Cette fois Valentine n’interrompit point ; elle resta muette de stupéfaction.

Le Marchef reprit :

— Pendant que vous étiez à la prison de la Force, j’étais, moi, chez le colonel. Il ne se porte pas bien, et j’ai idée qu’il n’en a pas pour très longtemps. Si Toulonnais-l’Amitié, le prince et les autres savaient ce qu’il m’a dit… C’était drôle de le voir me caresser le menton en bavardant tout bas : « Je n’ai confiance qu’en toi, Marchef, mon ami, tu es la plus forte tête de l’association, et mon testament, qui est tout fait, te nomme mon légataire universel… » Eh bien ! après ? Je serais capable de les mettre au pas aussi bien qu’un autre, dites