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Elle s’interrompit, et son regard découragé s’arrêta sur Coyatier, tandis qu’elle murmurait :

— Mais comment pourriez-vous me comprendre ?

Le grossier visage du bandit avait une expression étrange.

— Je ne comprends peut-être pas tout, fit-il d’un air pensif, mais peu s’en faut, en définitive. J’ai été un homme ; il y a des heures où je m’en souviens. Calmez-vous un peu, si vous pouvez ; parlez droit et net ; que voulez-vous de moi ?

Valentine fut un instant avant de répondre, et pendant toute une minute ils se regardèrent fixement.

Dans les yeux de la jeune fille, il y avait un espoir plein de trouble ; dans les yeux du bandit, on pouvait lire l’envie qu’il avait de résister à un enthousiaste entraînement.

Ce fut Coyatier qui reprit le premier la parole :

— Il est bon que vous n’ignoriez rien, dit-il à voix basse ; je suis ici par ordre du colonel, et le colonel a toujours eu connaissance de tout ce qui se passait entre nous.

— Je m’en doutais, fit Valentine, et malgré cela, quelque chose me disait que vous ne me trahissiez pas.

— Ce quelque chose là disait vrai, poursuivit le Marchef, jusqu’à un certain point pourtant. Dans cet enfer où ils règnent et où nous sommes tourmentés par le caprice de leur tyrannie, il n’y a rien de tout à fait vrai ; les choses se passent autrement qu’ailleurs. Laissez-moi vous dire encore un mot, et puis vous répondrez à ma dernière question, car le temps presse et le