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— Oui, repartit Valentine, qui fixait sur lui son regard brûlant.

— Ah ! ah ! fit le Marchef, en cherchant à éviter le feu de ces prunelles qui l’éblouissaient, alors vous ne voulez plus le sauver ?

— Non, répliqua encore Valentine d’un accent bref et dur.

— Tiens, tiens ! dit Coyatier entre ses dents, vous en revenez donc à la première idée du colonel : un verre de poison partagé à deux ?

— À quoi bon le sauver ! s’écria impétueusement Valentine ; tant que ces hommes vivront, la mort ne reste-t-elle pas suspendue sur sa tête ?

— Ça, c’est la pure vérité.

— Est-ce que je sais, ami, poursuivit la jeune fille, dont les paroles jaillissaient maintenant comme un torrent de passion, est-ce que je sais, moi, si c’est la vengeance ou l’amour qui m’entraîne ? Il y a des instants où, dans mon cœur qui déborde de tendresse, je ne trouve plus de place pour la haine ; il y a des instants où je me vois entourée de trois spectres sanglants qui me crient : Pour la fille de Mathieu d’Arx, pour la sœur de Remy d’Arx, la pensée seule du bonheur est une impiété ! Ah ! ils m’ont crue folle, ou ils ont fait semblant de le croire, car nul ne sait le secret de cette redoutable comédie ! Mais sais-je moi-même si je n’ai pas été, si je ne suis pas toujours folle ? Mon père, ma mère, dont j’adore le souvenir sans avoir eu leurs caresses, mon frère, ce noble et cher ami, tous ceux-là ne sont plus !