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moindre cadette de votre pays en fait autant, mais parce que vous causez là de bonne amitié avec le maudit qui fait horreur aux scélérats, qui se fait horreur à lui-même !… Savez-vous bien que quand Coyatier, dit le Marchef, entre dans la maison des Habits-Noirs, les Habits-Noirs, tout damnés qu’ils sont, n’ont plus ni faim ni soif ? Ils se taisent s’ils sont en train de causer ou de rire, et parmi eux je n’en connais pas un seul pour oser toucher cette main qu’ils voient rouge de sang jusqu’au coude !

Il étendait sa main énorme, dont les veines gonflées semblaient prêtes à éclater.

Dans cette main, Valentine mit la sienne, qui était glacée, mais qui ne tremblait pas.

Le bandit la regarda avec une sorte d’étonnement attendri.

— Vous seriez une sainte, pensa-t-il tout haut, si vous faisiez cela pour sauver l’homme qui vous aime !

— L’homme à qui j’ai donné mon cœur, répliqua Valentine dans un élan de soudaine énergie, je ne le sépare pas de moi-même ; lui et moi nous ne faisons qu’un. Tout ce que j’ai dans l’âme est à lui : ma vengeance, c’est sa vengeance.

Coyatier eut un gros rire qui sonna sinistrement.

— C’est un joli soldat d’Afrique, dit-il comme pour expliquer sa lugubre gaieté ; je connais les lapins de son numéro, il aimerait mieux la clef des champs que toutes vos belles phrases !

Il ajouta en changeant de ton :

— J’étais venu pour régler la chose de son escampette ; est-ce que vous auriez changé d’idée ?