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pauvre monde, ce sont les détails circonstanciés du meurtre de la rue Pagevin, de la rue Mauconseil ou de la rue Thévenot, avec le nombre des coups donnés, la nature de l’outil employé, la place des trous faits dans le corps, la largeur des ecchymoses et la posture que la victime gardait quand on l’a trouvée, déjà froide, les membres convulsionnés dans leur raideur, les cheveux hideusement brouillés, gluants et collés au carreau.

Voilà quels sont nos appétits au dix-neuvième siècle.

À Paris, comme en province, les marchands de livres ne demandent plus aux jeunes écrivains s’ils ont du talent, ils leur ordonnent tout uniment de rassasier le monstrueux idiotisme de cette gourmandise populaire.

M. Baruque avait demandé, dans son étonnement bien naturel :

— Ah ça ! d’où sortez-vous donc, maman Léo, si vous en êtes encore là ?

Et quoique la bonne femme fût une reine absolue dans sa masure, l’auditoire avait presque souri.

Similor, l’homme au chapeau gris et aux cheveux jaunes, n’était pas seulement un type très réussi de don Juan, il possédait à l’état latent l’étoffe d’un courtisan.

— La patronne, dit-il entre haut et bas, mais de manière à être entendu, aux deux rougeaudes ses élèves, la patronne n’a pas l’air, mais elle travaille de cabinet, comme moi, quand des grandes idées pareilles à celles qui lui emplissent le cerveau se trémoussent dans une coloquinte, on ne peut pas faire attention à toutes les vulgarités journalières qui occupent la fainéantise de notre population.