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compassion de moi ; en mourant, je peux regarder le fond de mon cœur.

Ses yeux étaient sur moi, ses yeux limpides et doux comme ceux d’un enfant.

Il avait sa main dans la mienne ; la résignation calme comme un sourire épanouissait ses lèvres décolorées.

Sa paupière se ferma à demi parce que l’épuisement venait.

Il m’envoya encore au secrétaire, où je trouvai, sur ses indications, les actes de décès de M. Mathieu d’Arx et de sa femme, votre père et votre mère.

Quelques mois auparavant, à ma grande surprise, à ma grande inquiétude aussi, car cela prouvait bien qu’il redoutait un malheur, M. Remy avait réalisé à la hâte tous les biens immeubles de sa famille, et au lieu d’acheter, avec le prix considérable de cette vente, des valeurs françaises, il avait pris des consolidés d’Angleterre et des bons autrichiens. Tous les titres étaient dans le secrétaire. Il me dit :

— Germain, je n’ai pas retiré des biens de mon père une somme égale à leur valeur parce que je me suis trop pressé. L’événement a prouvé que je n’avais pas de temps à perdre. Néanmoins, tu dois trouver dans la caisse qui est à gauche du secrétaire et dont voici la clef des titres au porteur constituant 80,000 francs de rente au capital de un million cinq cent mille francs environ. Cette fortune ne doit point rester ici. Aussitôt que je serai mort, tu la mettras en lieu sûr. Elle appartient tout entière à Marie-Amélie d’Arx, ma sœur, et c’est à toi que je la confie.

Sa voix faiblissait de plus en plus ; cependant il voulut se mettre sur son séant. Je l’y aidai. Je n’avais déjà plus d’espoir,