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dit-il. Ma jeunesse et ma force n’ont rien pu contre eux, que pourrait désormais mon agonie ? Allume du feu.

Je crus avoir mal entendu, car les idées se brouillaient dans ma cervelle en fièvre. M. Remy répéta d’un accent impérieux :

— Allume du feu !

J’obéis et la flamme brilla bientôt dans le foyer.

— Tu as bien fait de ne pas donner la clef, Germain, reprit mon maître, dont la voix semblait déjà plus faible. Ouvre le secrétaire.

J’ouvris le secrétaire.

— Prends tous les papiers qui sont dans la tablette du milieu, tous, depuis le premier jusqu’au dernier, et brûle-les devant moi.

Je n’avais jamais lu ces papiers, mais je les connaissais bien ; c’étaient tous les brouillons d’un grand travail dont il s’occupait depuis des années, des pièces à l’appui, des documents, le produit d’une immensité d’efforts, de recherches et de fatigues.

— Ma sœur viendra, pensa tout haut mon maître (et c’était la première fois que je l’entendais parler de sa sœur), elle trouverait tout cela, elle voudrait continuer l’œuvre fatale que je n’ai pu achever, et comme je vais mourir elle mourrait !

— Les papiers ne furent pas brûlés, je suppose ! demanda ici Valentine, dont les yeux brillèrent.

— C’était sa volonté, répondit le vieux valet, les papiers furent brûlés comme il l’avait dit : tous, depuis le premier jusqu’au dernier.

— Alors, dit la jeune fille en baissant la