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Il répéta en prenant le poignet du malade pour lui tâter le pouls avec soin :

— Ce serait en effet un miracle.

Puis il alla vers la table autour de laquelle les autres médecins s’étaient consultés et il écrivit une ordonnance.

On ne parla plus de la clef du secrétaire. Le colonel dit seulement en me prenant à part :

— Si nous avons le bonheur de le sauver, mes intérêts sont aussi bien entre ses mains que dans les miennes propres ; si au contraire… mais je reviendrai demain matin à la première heure.

Ils s’en allèrent ensemble comme ils étaient venus. La comtesse Corona voulut rester, mais le colonel ne le permit point. La potion ordonnée par le docteur Samuel fut apportée ; je ne sais quelle vague défiance était en moi contre ce médecin qui avait dit en parlant de mon maître vivant : « Il est mort. »

Au moment où je voulus donner la potion, me disant en moi-même que c’était peut-être le salut, le bras de M. Remy eut un mouvement faible que je pris pour un refus, et je ne me trompais pas, comme vous allez le voir.

Je n’insistai point ; je roulai un fauteuil au chevet du malade, et je m’installai pour passer la nuit auprès de lui.

Certes, je ne dormais pas, j’entendais les bruits du dehors qui allaient s’affaiblissant et la pendule sonnant les heures, mais une sorte de vague enveloppait ma pensée et je voyais comme au travers d’un voile les visages de ces trois hommes, qui maintenant me semblaient ennemis.

Les douze coups de minuit venaient de sonner, lorsque je bondis sur mes pieds