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— Pourquoi m’avez-vous appelée Mlle d’Arx ? demanda-t-elle en revenant vers le bureau.

Parmi la douleur profonde qui couvrait les traits de Germain, il y eut comme un sourire.

— Parce que je vous attendais, répondit-il ; il y a bien longtemps que je vous attends, et ce matin encore votre visite m’a été annoncée. Je vous ai reconnue tout de suite ; il m’a semblé voir monsieur Remy à l’âge de quinze ans. Il était le vivant portrait de sa mère, de votre mère aussi, mademoiselle, et je suis sûr qu’avec les habits de votre sexe vous ressembleriez trait pour trait à feu notre bonne dame.

Il avança le propre fauteuil de Remy, et son geste respectueux invita Valentine à s’asseoir.

Valentine prit le siège et dit :

— Faites comme moi, bonne Léo, nous resterons longtemps ici.

Germain, qui tout à l’heure encore était le maître de cette maison, où il remplaçait avec une véritable dignité le jeune magistrat décédé, avait repris, sans affectation ni regret, l’attitude qui convient à un domestique, et il se fût offensé peut-être si Valentine l’eût traité autrement qu’un serviteur.

— Il y a eu, le mois passé, quarante-trois ans, fit-il, que j’entrai dans la maison de M. Mathieu d’Arx. C’était alors un tout jeune homme, il achevait ses études et me demandait parfois conseil. Quand il se maria, il me garda, et la jeune dame, qui était belle comme les anges, m’aima comme son mari m’aimait. Je les servais de mon mieux ; il n’y a rien au monde que je