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tes de grâce, la dompteuse reprit tout bas en s’adressant à Valentine :

— Fillette, tu me fais l’effet comme si tu jouais avec le feu de l’enfer. Le diable et ces gens-là, vois-tu, c’est la même chose !

— Maurice n’a pas peur d’eux, murmura Valentine.

— Lui ! mon lieutenant avoir peur ! s’écria maman Léo. S’il les tenait en Algérie, au champ d’honneur, il les avalerait comme de la soupe ! Ce n’est pas pour vous faire reculer que je parle, non, c’est bien la vérité que Fleurette a dite tout à l’heure : « Nous sommes tous ici comme au milieu d’un naufrage. » Quoi donc ! quand la perdition est là tout à l’entour et qu’on ne sait plus à quel saint se vouer, il faut bien donner quelque chose au hasard et même au diable, seulement j’ai mon idée : pendant que le Coyatier travaillera, je n’aurai pas mes mains dans mes poches.

— Prenez garde, bonne Léo, fit Mlle de Villanove, la moindre marque de défiance anéantirait notre dernière chance de salut.

Elle s’était levée, et son geste imposa silence à la dompteuse, qui allait parler encore.

— Sur cette dernière chance, dit-elle, j’ai mis tout mon avenir, tout mon bonheur, tout mon cœur. Mes jours et mes nuits n’ont qu’une seule pensée, je travaille, je prie, et il me semble parfois que je réussirai, moi, pauvre fille, à tromper l’astuce de ces démons… Êtes-vous bien décidé, Maurice ?

— Qu’ai-je à perdre ? demanda le jeune prisonnier en souriant.

— Alors, tenez-vous prêt à toute heure.