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C’était à cette soirée que sans cesse il pensait dans la solitude de sa prison.

Sa vie entière était résumée pour lui par ces quelques heures qui lui semblaient radieuses et terribles.

Tout de suite après, la mort d’un inconnu commençait le drame en quelque sorte surnaturel qui l’avait enveloppé comme un suaire de plomb et contre lequel il n’y avait pas de résistance possible.

Son souvenir allait obstinément vers cette cabine de saltimbanque, encombrée d’objets misérables et ridicules, où il mettait, lui, tant de pure, tant d’adorable poésie.

Tout le roman bizarre, mais heureux, de sa jeunesse était là. Est-ce qu’il n’y avait pas le sourire enchanté de Fleurette pour jeter à pleines mains le prestige sur le côté bas et comique de la baraque ?

Maurice revoyait dans un éblouissement l’humble théâtre de ses joies.

C’était là encore, c’était là qu’après la longue absence il avait retrouvé l’espoir et le bonheur.

En ce monde, Maurice n’avait pour l’aimer bien que deux cœurs : Valentine et Léocadie.

Certes, Mlle de Villanove et la dompteuse étaient placées dans des situations fort différentes, mais au temps où Maurice les avait connues, maman Léo était la protectrice et la patronne de celle qu’on nommait maintenant Mlle de Villanove.

Elles étaient en outre réunies par leur tendresse commune pour lui.

En dehors d’elles, Maurice n’avait ni attache ni espoir ; non pas qu’il fût indifférent ou ingrat envers sa propre famille, composée de bonnes gens qui l’avaient