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avons, pas de risque que les chalands vous dérangent avant midi.

Lheureux eut un sourire malin et s’en alla à ses affaires.

Notre jeune garçon voulut suivre son conseil et trempa ses lèvres blêmies dans le vin, mais son visage prit une expression de dégoût, et le verre plein fut reposé sur la table.

Son regard, qui exprimait à la fois une résolution très arrêtée et une amère souffrance, se dirigea vers le coucou suspendu à la muraille.

Le coucou marquait neuf heures et un quart.

Les yeux de l’adolescent se reportèrent vers le dehors, interrogeant tantôt l’une, tantôt l’autre des deux rues.

— Ça ne vient donc pas ? demanda au bout d’un quart d’heure Joseph Lheureux, qui se chauffait au poêle dans la salle voisine.

— À quelle heure, dit le jeune homme au lieu de répondre, commence-t-on à entrer pour voir les détenus ?

— Ça dépend, répliqua Lheureux. Il y a toujours des passe-droits pour les banqueroutiers. Ah ! les fins merles ! Êtes-vous là pour un banqueroutier ?

— Non, j’attends ma mère qui est allée au palais chercher le permis du juge d’instruction.

— Alors c’est un prévenu ? Ça dépend encore de ceci, de cela, et puis de la coupe des cheveux. J’ai idée que votre maman ne doit pas être une comtesse, jeune homme, dites donc ?

— Ma mère est maîtresse d’une ménagerie.

— Bon état ! Et c’est vous qui soignez