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les jardins de la maison même que j’habitais et dont une aile en pavillon touchait les clôtures de la Petite-Force.

Un instant, les évasions avaient été fréquentes au point de tenir tout le quartier en éveil, et les loyers des étages inférieurs de ma maison en étaient tombés à vil prix.

Le mur neuf n’avait cependant fermé qu’une route. On s’évadait maintenant d’un autre côté.

Pour empêcher ce jeu, il fallut démolir la Force.

C’était le lendemain de notre visite à cette autre prison, l’établissement du docteur Samuel. Il pouvait être neuf heures du matin.

Le temps continuait d’être sombre et froid ; la neige foulée couvrait les pavés comme un mastic brunâtre.

Dans la paisible rue du Roi-de-Sicile, qui était alors le meilleur chemin pour descendre de la place Royale à l’hôtel de ville, de rares passants allaient et venaient.

Le factionnaire de la porte basse de la Force, empaqueté dans son manteau gris, battait la semelle au fond de sa guérite.

Cette porte basse, qui s’ouvrait rue du Roi-de-Sicile, commençait la série des numéros pairs ; l’entrée principale était au no 22 de la rue Pavée.

À l’angle des deux voies, du côté de la rue Saint-Antoine, il y avait une buvette borgne qui s’était donné bonnement pour enseigne le nom même de la sombre demeure. Au-dessus de ses trois fenêtres, masquées de cotonnade gros bleu, on pouvait lire cette enseigne : « Au Rendez-Vous de la Force, LHEUREUX, limonadier, vend vins, eaux-de-vie et liqueurs. »

Tous les rideaux tombaient droit, ca-