Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/226

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je lui reprocherais plutôt, à cette ville blanche et nouvelle, d’avoir dissipé en passant tout un trésor de souvenirs.

Sans nier la beauté un peu trop bourgeoise des fameux boulevards qui ne sauraient être habités que par des riches, je songe malgré moi à cet autre Paris, moins esclave du cordeau, où les palais n’avaient pas honte de se laisser approcher par les masures.

C’était le Paris historique, celui-là, dont chaque maison racontait une légende ; et tenez ! là-bas, au fond de ce vieux Marais par dessus lequel les embellissements Haussmann ont sauté pour arriver plus vite aux points stratégiques du faubourg Saint-Antoine, vous trouveriez encore tel écheveau de rues à la fois populaires et nobles dont le seul aspect vaut tout un volume de Dulaure ou de Saint-Victor.

Je me rappelle la mansarde où fut écrit mon premier livre : c’était en 1840, hélas ! De ma fenêtre, donnant sur les derrières de la rue Pavée, je voyais les croisées de Mme de Sévigné, à l’hôtel Carnavalet, ce bijou de pierre qui n’échappera pas à l’épidémie des restaurations municipales ; je voyais, dis-je, le logis de l’adorée marquise par dessus le roulage qui remplaçait la maison de Charles de Lorraine où fut le berceau des Guise.

Je voyais aussi le grand hôtel de Lamoignon, bâti par Charles IX pour le duc d’Angoulême, fils de Marie Touchet, celui-là même dont Tallemant des Réaux, le roi des bonnes langues, disait : « Il aurait été le plus grand homme de son siècle s’il eût pu se défaire de l’humeur d’escroc que Dieu lui avait donnée. »

Quand ses gens lui demandaient leurs