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Vous eussiez retrouvé là l’ode si vigoureusement imprégnée de sensibilité que Mme Samayoux, en s’accompagnant sur la guitare, avait chantée à Maurice, le soir de leur première entrevue.

Ce fut celle-là que son regard chercha d’abord, et ses yeux se mouillèrent pendant qu’elle lisait cette strophe exprimant si bien les angoisses de sa pauvre âme :

Ah ! puissent mes bêtes féroces un jour me dévorer
Plutôt que de continuer dans un pareil supplice ;
On ne souffre pas longtemps à être mangé,
Et c’est pour toujours que mon bourreau est Maurice !

— C’est fini ces bêtises-là, murmura-t-elle, et c’est remplacé chez moi par le cœur d’une mère !

Sous la poésie enfin et tout au fond de la boîte, il y avait un paquet ficelé, composé de titres de rentes et de quelques autres bonnes valeurs.

Maman Léo prit le paquet, remit toutes les autres paperasses dans le coffre et le replaça sous le lit, après l’avoir fermé.

— Ça, pensa-t-elle tout haut d’un air triste mais résolu, je croyais bien que c’était le repos de mes vieux jours, mais ça va sauter comme un cabri sans faire ni une ni deux. Pour évader un quelqu’un, il faut de l’argent, c’est connu, afin de séduire les diverses racailles qui font dans la prison le métier de mes gardiens à la ménagerie. Il est peut-être bien tard pour recommencer sa fortune à l’âge que j’ai… Allons ! c’est bon, pas de raisons ! Si on ne refait pas sa fortune on mourra dans la misère, voilà tout ! Il y en a eu bien d’autres, et mon garçon sera sauvé.