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Maman Léo se croyait de bonne foi une personne célèbre, et peut-être ne se trompait-elle pas tout à fait. Aux Loges, à la fête de Saint-Cloud et à la foire au pain d’épices, peu de réputations pouvaient contrebalancer la sienne.

Vous souvenez-vous que nous la comparâmes une fois à la Sémiramis du Nord ? On dit que la grande Catherine faisait collection des portraits de ses favoris, et cela devait encombrer tout un Louvre ! Maman Léo, moins bien placée pour jeter le mouchoir aux princes et aux feld-maréchaux, avait une douzaine de miniatures à quinze francs auxquelles la boîte de sapin servait de galerie.

Pour donner une idée de la bonté de son cœur, nous dirons que le portrait de feu Samayoux était là comme les autres et avait le plus beau cadre.

Celui de maman Léo elle-même ne manquait point à la collection, mais il était sur une affiche enluminée que la dompteuse ne dépliait jamais sans un sentiment mélangé de fierté et de mélancolie.

— On ne peut pas être et avoir été, se disait-elle en regardant l’estampe qui la montrait à elle-même dans un maillot collant couleur orange et entourée de ses bêtes féroces, lesquelles semblaient admirer sa pose à la fois gracieuse et intrépide.

Sous l’affiche se trouvait un brevet d’armes, délivré, par galanterie peut-être, à Léocadie, « l’amour des braves, » par les maîtres et prévôts de la ville de Strasbourg.

Il y avait encore des feuilles volantes nombreuses chargées d’une écriture lourde et incorrecte qui formaient le recueil complet des poésies fugitives de la dompteuse.