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les mauvais plaisants du sanctuaire d’Éleusis et des temples d’Isis ont eu des héritiers directs au fond des forteresses où radotaient les francs-juges d’Allemagne, comme dans les cavernes où les Camorre de l’Italie du Sud bourraient leurs trabuccos en aiguisant leurs poignards. Le colonel n’est pas encore assez vieux pour avoir fréquenté les saintes-wehmes, mais il a commandé en chef des bandes calabraises à la fin du siècle dernier, et l’Europe entière l’a connu sous le nom de Fra Diavolo.

— Fra Diavolo ! répétèrent avec le même accent d’incrédulité les trois maîtres. Quel conte !

— On dit cela, poursuivit Lecoq froidement, moi je ne connais que le Fra Diavolo de l’Opéra-Comique, et les biographies prétendent que ce célèbre chef des Camorre fut exécuté à Naples, en 1799, mais en Corse, où j’ai passé ma jeunesse, il y avait de vieux bandits qui frottaient encore leur chapelet contre la manche du colonel, quand ils voulaient avoir une amulette bénie par le démon, et ils l’appelaient entre eux Michel Pozza, qui est le nom historique de Fra Diavolo. Quoi qu’il en soit, il apporta parmi les Habits-Noirs le secret, le grand secret des prêtres égyptiens, des hiérophantes, des druides, des francs-chevaliers et des libres-soldats de l’Apennin.

Ce fut pendant de longues années son prestige qui dure encore. Il était le seul à connaître le secret gravé à l’intérieur des deux médaillons qui forment le scapulaire des maîtres de la Merci.