Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/191

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vingtièmes de ceux qui s’intitulent honnêtes gens sont exactement dans la même position que nous.

Je ne cache pas que j’avais une frayeur ; l’homme est un animal vaniteux et ambitieux, je me disais : Ce vieux farceur de colonel a glissé à l’oreille de Portal-Girard : « Tu seras mon successeur ; » à l’oreille de M. de Saint-Louis aussi, à l’oreille de ce bon Samuel de même ; si cette idée a germé dans leur cervelle, comme elle aurait pu germer dans la mienne, le gâchis est complet, et notre vénérable papa n’aura qu’à nous enfermer ensemble pour que nous nous entre-dévorions.

Or, nous étions ici enfermés ensemble et j’ai cru que la dînette allait commencer, mais pas du tout ! au lieu d’enfants gourmands, je trouve des gens raisonnables.

À ma question nettement posée : Qui sera le maître, on m’a nettement répondu : Il n’y aura plus de maître.

À cette autre demande : Que deviendra l’association ? Réponse : Nous nous en moquons comme du roi de Prusse ! L’association était destinée à gagner de l’argent, il y a de l’argent, nous nous partageons le magot entre quatre, et puis nous nous souhaitons mutuellement bonne chance. Est-ce bien cela ?

— C’est bien cela, répondirent en même temps les trois autres associés.

— Mes braves amis, reprit Lecoq, car nous sommes véritablement des amis, depuis cinq minutes, le magot est assez lourd pour contenter l’appétit de chacun de nous, et le monde est assez vaste pour que nous y puissions trouver un endroit où nos anciens camarades ne viendront point