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Ces quatre hommes, cependant, n’allaient point jouer la poule, car ils passèrent franc devant les rideaux de cotonnade rouge qui masquaient la porte vitrée du café borgne, et continuèrent de suivre la ruelle dans le coude qu’elle faisait sur la gauche.

Tout de suite après le coude, il y avait une porte basse, donnant accès dans une allée plus noire qu’un four. Ce fut dans cette allée que nos quatre compagnons disparurent, en hommes qui connaissent les localités.

Pendant cela, il se faisait joyeux tapage dans la salle basse de l’Épi-Scié, où les habitués étaient nombreux.

La reine Lampion, rouge et rogue, sommeillait à son comptoir, auprès d’un grand verre vide et troublé par l’eau-de-vie sucrée.

Autour du billard à blouses dont le tapis luisant comme une toile cirée avait quelques taches de plus que lors de notre dernière visite, les joueurs étaient en belle humeur.

Cocotte, le radieux gamin de Paris, monté en graine, toujours gagnant, toujours vainqueur et comparable aux ténors les plus célèbres par ses succès auprès des dames, avait fait des blocs superbes ; Piquepuce, son ami, plus grave par l’âge, plus distingué par l’éducation, tenait le dé dans un groupe de causeurs où quelques lionnes, favorites de la mode, buvaient en fumant du caporal comme des duchesses.

Ces demoiselles étaient un peu comme leurs cavaliers, parmi lesquels le paletot fraternisait volontiers avec le bourgeron ; il y avait parmi elles des élégances prétentieuses et fanées et des toilettes franche-