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— Personne n’écoute ici, dit-elle à voix basse, avez-vous à me causer ?

— Causer ! répéta le Marchef, qui haussa les épaules en battant le briquet, c’est pour avoir causé avec les femmes que je crains les hommes et la chandelle. J’en ai gros contre les femmes. N’empêche qu’elles auront ma peau, c’est certain. J’en ai déjà sauvé comme ça plus d’une, et ça me fait rire quand j’y pense. Chacun a ses manies, pas vrai ? On a beau se faire une raison, quand le pli est pris, c’est fini.

— Est-ce que vous seriez tout de même un brave scélérat ? balbutia la veuve : comme qui dirait l’Honnête Criminel que j’ai pleuré en le disant toutes les larmes de mes yeux ?

— Une manie, que je vous dis ! gronda Coyatier, une chienne d’habitude, quoi, des bêtises ! Ça m’a mis dans l’embarras plutôt dix fois qu’une, mais je pense à la petite demoiselle quand je suis tout seul ; j’ai eu sa main douce comme de la soie entre mes pattes, et c’est moi qui suis cause qu’elle pleure.

— C’est donc bien vrai ! s’écria la veuve, le coupable, c’est vous !

— La paix, vieille folle ! gronda le Marchef, qui leva la main comme pour l’écraser.

Mais changeant de ton tout à coup, il ajouta :

— Assez bavardé ! si vous connaissiez celui qui vous tuera, vous ne l’aimeriez pas, je pense ? Moi, c’est les femmes qui me tueront et je les abomine. La demoiselle n’est pas dans de beaux draps, ni son amoureux non plus. Tout ce qu’il faudra faire pour eux, je le ferai, entendez-vous, et c’est déjà commencé. S’il faut que la