Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il est de bonne garde. Bonsoir, chère madame ! à demain !

La porte donnant sur le chemin des Batailles se referma brusquement.

Désormais, la veuve se trouvait seule avec Coyatier, qui resta d’abord immobile à la regarder par-dessous la visière de sa casquette.

Entre la maison de santé et la grande usine qui bordait le quai, il n’y avait qu’un terrain vague. Un réverbère unique brillait tout en bas de la descente, comme ces phares qu’on voit de loin, mais qui n’éclairent pas.

Il pouvait être dix heures du soir.

La solitude la plus complète régnait dans la promenade de Chaillot et aux alentours. Les seuls bruits qu’on entendît dénonçant la vie de Paris venaient d’en bas, où de rares passants et quelques voitures suivaient le quai pour gagner la barrière de Passy ou en revenir.

Or, la route que maman Léo avait à prendre ne tournait point de ce côté, et quand le Marchef s’ébranla, ce fut pour monter la rampe abrupte et déserte aboutissant au chemin qui allait d’une part à la rue de Chaillot, de l’autre à la barrière des Batailles.

Nous avons dit que maman Léo était la vaillance même, mais nous devons avouer qu’en ce moment sa première idée fut de dévaler la côte et de se sauver à toutes jambes.

Elle avait, pour le coup, véritablement peur, et la chair de poule passa comme un frisson sur tout son corps.

Coyatier était l’épouvantail qu’il fallait pour secouer cette nature sans nerfs, épaisse et solide comme du bois de chêne,