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Tout son corps frémissait à la pensée de ces hommes en apparence semblables aux autres hommes, supérieurs même à la plupart des hommes que la dompteuse avait pu voir en sa vie, et qui étaient de vils, d’implacables assassins.

Elle avait été là au milieu d’eux, elle avait touché la main d’une créature humaine, désignée d’avance à leurs coups, car c’est ainsi qu’elle jugeait la position de Mme la marquise d’Ornans, elle avait laissé dans leur caverne une jeune fille qu’elle affectionnait tendrement.

Et elle savait que d’eux seuls dépendait le sort d’un jeune homme qu’elle aimait plus qu’une mère.

M. le baron pouvait causer et se rendre agréable, elle écoutait peu et son esprit s’efforçait laborieusement.

En passant devant la loge du concierge, elle y jeta un regard pour chercher ce Roblot dont la vue avait excité ses premiers soupçons lors de son arrivée.

La loge était vide.

Mais après avoir demandé le cordon et au moment même où il allait prendre congé, M. le baron s’écria :

— Voici justement notre affaire ! Roblot, mon vieux, tu vas conduire cette dame jusqu’à l’omnibus.

Maman Léo venait de reconnaître les larges épaules et la tête hérissée du Marchef, qui se promenait de long en large, les mains dans ses poches, en fumant sa pipe devant la porte.

Maman Léo voulut refuser, mais le baron dit en riant :

— Pas de compliment, c’est un dogue et