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malheureux jeune homme. Vous ne nous croiriez pas, madame, si nous prétendions partager cette tendresse ; c’est un inconnu pour nous et un indifférent ; il y a plus, s’il ne nous était pas nécessaire comme moyen de salut pour Mlle de Villanove, notre intérêt, notre devoir peut-être serait de l’écarter ; mais nous aimons Valentine comme vous aimez Maurice ; Valentine est le dernier espoir de notre bien-aimée marquise, cela suffit pour que rien ne nous coûte.

La dompteuse le regarda bonnement et dit :

— Ça fait plaisir de voir la franchise que vous avez, et le pauvre gars doit tout de même une belle chandelle au bon Dieu qui lui a laissé des protections pareilles dans son malheur.

— Vous serez éloquente, poursuivit le colonel, nous n’avons aucune crainte à cet égard ; mais appuyez bien sur cet argument tiré de l’arrêt prononcé par le docteur Samuel : « La vie de Valentine est entre les mains de Maurice ; il peut à son gré la ressusciter ou la tuer. »

— Je l’ai dit, déclara solennellement Samuel, et je le répète, c’est ma conviction intime.

— Soyez tranquille, dit la veuve, je n’oublierai pas votre argument, mais il y en a un autre que je préfère pour ma part, c’est celui qui m’a été fourni par Mme la marquise. Quand Maurice va savoir qu’il peut espérer la main de Valentine…

Elle s’interrompit, et son regard interrogea Mme d’Ornans, qui murmura :

— Quand je devrais quitter la France et m’établir en pays étranger, je ne me dédis pas : je n’ai plus qu’elle sur la terre.