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toujours eu un drôle de caractère, et il m’est arrivé plus d’une fois dans le temps de jeter ma langue aux chiens quand j’essayais de la comprendre.

Pour revenir à nos moutons, elle s’est donc endormie comme un bel ange du bon Dieu, et à mesure qu’elle s’endormait, un sourire de chérubin naissait sur ses lèvres, qui se mirent à remuer et qui dirent comme en rêve : « Nous serons heureux, nous nous marierons tout de suite… tout de suite !… »

Maman Léo s’arrêta et regarda la marquise en face.

— Voilà, ma bonne dame, acheva-t-elle, j’ai fait ce que j’ai pu.

— Et vous avez bien fait, répondit la marquise, vous nous avez rendu l’espoir, et tous ceux qui sont ici vous remercient.

— Alors, demanda la veuve en baissant la voix, le rêve de la chérie pourrait se réaliser ? Ils seraient heureux ensemble ? Vous consentirez à ce mariage ?

La marquise hésita, puis elle répondit avec gravité :

— Je n’ai plus d’enfant, elle est tout mon cœur, je ne sais pas jusqu’où peut descendre ma faiblesse pour elle, mais je crois que, si elle l’exige, j’irai jusqu’à ne point m’opposer à ce mariage.

— Ah ! saquedié ! s’écria maman Léo, qui sauta sur ses pieds, les nobles ne passent pas pour des braves gens chez nous, mais vous êtes un cœur, vous, ou que le diable m’emporte !

Elle avait jeté ses deux bras autour du cou de la marquise un peu effrayée pour planter sur ses joues deux retentissants baisers.

— Bien des pardons, murmura-t-elle en