Page:Féval - Maman Léo, 1869.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Voilà le vrai, dit encore Lecoq.

— … Et ses paupières ont battu, acheva maman Léo, mais avant de fermer les yeux, elle m’a dit : « J’ai confiance en toi, tu as été ma mère, et tu l’aimes comme s’il était ton fils. Si je lui dis : « Je veux que tu vives, » il se laissera sauver… et il faut qu’il vive pour notre amour comme pour notre vengeance. »

La voix faible et douce du colonel Bozzo se fit entendre à l’autre bout de la cheminée, disant :

— Drôle de fillette !

Ce fut un regard de colère que la bonne marquise lui jeta.

Mais le vieillard lui renvoya un sourire.

Il était assis commodément dans sa bergère, caressant de sa main blanchette et ridée une petite boîte d’or sur laquelle était le portrait émaillé de l’empereur de Russie.

— Bonne amie, murmura-t-il, en adressant à la marquise un signe de tête caressant, vous vous fâchiez déjà autrefois quand je radotais ce mot « drôle de fillette, » mais sous mon radotage, il y a souvent bien des choses. Cette enfant-là a trompé des calculs supérieurement faits, et dès qu’il s’agit d’elle, je dis cela pour nos amis comme pour vous, il ne faut pas se fier aux apparences.

Il s’interrompit pour ajouter en regardant paternellement ses trois voisins, qui éprouvèrent une sorte de malaise :

— C’est comme moi, mes enfants, je suis aussi un drôle de bonhomme.