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toire-là, qu’on la radote dans tous les coins de Paris ?

S’il y eut une réponse, Mlle Colombe ne l’entendit pas, car la petite sœur venait d’emboucher sa trompette, et la terrible fanfare éclata entre ses jambes.

Quand le silence se fit, on put ouïr la voix douce et patiente d’Échalot, qui disait :

— Sois pas méchant, Saladin, petite drogue, c’est pour ton bien, et on ne peut pas éduquer un enfant sans qu’il ait un peu de misère dans son bas-âge.

Saladin, l’héritier indivis du brillant Similor et du modeste Échalot, criait comme un beau diable. Ce qu’on appelait son éducation était, en définitive, une assez rude chose. Échalot l’accommodait en monstre, et, à l’aide d’une baudruche collée d’une certaine façon autour de ses tempes, puis peinte en couleur de chair et munie de petits cheveux, puis encore soufflée à l’aide d’un tuyau de plume, il donnait à la tête de l’enfant d’effrayantes proportions.

— T’es douillet, reprenait le père nourricier sans se fâcher, que dirais-tu donc si on t’arrachait une dent au pistolet ? Il n’y a pas pour attirer le monde comme les encéphales qu’est bien réussis, et un phénomène vivant de ton âge n’est pas embarrassé de gagner ses trois francs par jour… Attends voir que j’aille aider M. Daniel à se retourner.

M. Daniel, c’était le lion invalide.

Similor, à l’autre bout de la baraque, faisait trêve à sa leçon pour rentrer dans son rôle d’incorrigible séducteur.

— Je possède des occasions favorables par-dessus les yeux, disait-il aux deux rou-